Waving at the network l’imperceptibilité du réseau et sa figuration / par Félicien Goguey (2015) | Arts Numériques - anthologie de textes | Scoop.it

Alors qu’on y accède quotidiennement, la structure et le fonctionnement du réseau Internet restent obscurs pour beaucoup d’entre nous. On emploie régulièrement et abusivement le terme de cloud pour désigner globalement le réseau; ce terme évoque «une terre lointaine où les opérations informatiques sont réalisées, et non des hangars remplis de serveurs ». Cette seule idée de nuage trahit une perception largement erronée de la structure générale du réseau. De même, on se fait souvent une idée très schématique des services que l’on utilise quotidiennement. Selon Julian Oliver et Danja Vasiliev, tout le monde peut à peu près décrire le fonctionnement du système postal; au contraire, très peu de personnes sauront exposer le fonctionnement d’un échange d’e-mails. Or on envoie actuellement plus de courriels que de courriers (en 2011, on estimait à deux millions le nombre d’e-mails envoyés par seconde dans le monde3). Par ailleurs, peu d’utilisateurs connaissent l’existence d’algorithmes commerciaux ou gouvernementaux qui analysent les données qu’ils confient sur le réseau. On ne peut que spéculer sur leur fonctionnement ou inférer celui-ci par principes de rétro-ingénierie. Cette ignorance est souvent liée à l’invisibilité et l’imperceptibilité qui sont le propre du réseau. D’une part, par sa nature, il est très difficile, voire impossible, d’en réaliser une représentation globale. D’après Anna Munster et Geert Lovink, «la notion même de réseau est en conflit avec le désir d’en obtenir une vue d’ensemble». D’autre part, les technologies sur lesquelles il repose sont pour l’essentiel elles-mêmes invisibles: le WiFi ou le réseau téléphonique mobile, par exemple, sont des protocoles de communication sans fil, qui transmettent des informations via «des ondes qui flottent dans les airs». Enfin tout est fait pour «cacher» et «ranger» le réseau; les centres de traitement de données, pourtant bien physiques, sont souvent excentrés et cachés de la vue du public, les câbles qui acheminent l’information sont souterrains ou sous-marins, certaines antennes d’émission sont camouflées dans des arbres artificiels.